La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2016 | FRANCE | N°14-28127

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2016, 14-28127


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 octobre 2014), que la société Le Bris occasions poids lourds (la société Le Bris) a vendu à la société Pech'Alu international (la société Pech'Alu) un véhicule d'occasion équipé d'une grue et d'une remorque ; qu'à la suite de plusieurs pannes, la société Pech'Alu a assigné la société Le Bris en résolution de la vente et paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Le Bris fait grief à l'arrêt d'accu

eillir ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ que seule constitue un vice caché l'usure a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 octobre 2014), que la société Le Bris occasions poids lourds (la société Le Bris) a vendu à la société Pech'Alu international (la société Pech'Alu) un véhicule d'occasion équipé d'une grue et d'une remorque ; qu'à la suite de plusieurs pannes, la société Pech'Alu a assigné la société Le Bris en résolution de la vente et paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Le Bris fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ que seule constitue un vice caché l'usure anormale d'une chose vendue d'occasion ; qu'en se bornant à relever le « mauvais état » et l'« usure importante de l'ensemble routier » qui, en conséquence, « ne p(ouvait) être utilisé normalement », sans établir le caractère anormal de cet état du matériel vendu d'occasion après avoir été exploité près de vingt ans sur des chantiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;

2°/ que ne constitue pas un vice caché le mauvais état d'une chose vendue d'occasion dont l'acquéreur pouvait se convaincre lui-même ; qu'en jugeant que le mauvais état de l'ensemble routier « n'était pas décelable par un acheteur normalement avisé », quand elle avait constaté le « mauvais état » et l'« usure importante de l'ensemble routier » au jour de la vente et avait relevé que la société Pech'Alu ne pouvait que s'attendre, en acquérant un matériel d'occasion, à une exploitation plus lourde que pour un matériel neuf, ce dont il résultait que l'état d'usure du matériel ne pouvait échapper à un acheteur normalement avisé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1641 et 1642 du code civil ;

3°/ que l'erreur sur la valeur commise par l'acquéreur ne constitue pas un vice caché ; qu'en déduisant pourtant l'existence d'un vice affectant l'ensemble routier de ce que la valeur d'achat des matériels par la société Pech'Alu était, selon l'expert, en « complète inadéquation » avec leur état, la cour d'appel a violé les articles 1641 et 1642 du code civil ;

4°/ qu'en l'absence d'indivisibilité, le vice caché affectant un bien n'est pas de nature à justifier la résolution de la vente d'un autre bien ; qu'en prononçant la résolution de la vente, à raison des vices cachés affectant la grue, non seulement de la grue mais aussi du tracteur et de la remorque, sans établir que les ventes de la grue, du tracteur et de la remorque étaient indivisibles et que la résolution de la vente de l'un d'eux devait entraîner la résolution de la vente des deux autres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'ensemble routier, composé d'un camion, d'une remorque et d'une grue, acheté d'occasion, nécessitait, à raison des désordres affectant chacun des trois éléments, des interventions constantes sous forme de dépannage sur la voie publique avec immobilisation du matériel et des objets transportés, une maintenance importante et un coût d'exploitation très élevé rendant inutile une remise en état et impossible un fonctionnement normal ; que l'arrêt retient encore qu'à l'exception du défaut d'essieu vireur, les désordres n'étaient pas décelables par un acheteur normalement avisé, l'acquisition d'un matériel d'occasion rendant uniquement prévisibles des frais d'exploitation plus importants ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches invoquées par les première et quatrième branches, que ces constatations rendaient inopérantes, a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, retenir que les anomalies relevées constituaient des vices cachés ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Bris occasions poids lourds aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Le Bris occasions poids lourds.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résolution de la vente de l'ensemble routier consentie par la société Le Bris Occasion Poids Lourds à la société Pech'Alu International pour le prix hors taxes de 75.000 euros le 19 mai 2008, d'AVOIR condamné la société Le Bris Occasion Poids Lourds à payer à la société Pech'Alu International les sommes de 75.000 euros hors taxes à titre de remboursement du prix, 101.892,11 euros hors taxe au titre de remises en état inutiles et 30.000 euros en réparation du préjudice d'exploitation et d'AVOIR ordonné la reprise à ses frais de l'ensemble routier chez la société Pech'Alu International par la société Le Bris Occasion Poids Lourds dans le délai d'un mois à compter de la notification de sa décision ;

AUX MOTIFS QUE la société Pech'Alu International a acheté à la société Le Bris Occasion Poids Lourd un ensemble routier comportant un tracteur équipé d'une grue et d'une remorque ; que malgré l'existence de deux bons de commandes datés du même jour la vente concerne un objet unique et qu'il importe de vérifier si cet ensemble d'occasion est atteint d'un vice caché rendant celui-ci impropre à sa destination ou en diminuant tellement l'usage qu'il n'aurait point été acquis ou en tout cas pour un prix moindre ; que le tracteur et la remorque ont fait l'objet d'une première mise en circulation respectivement les 26 octobre 1988 et 8 novembre 1990 et qu'au moment de sa revendre à la société Pech'Alu International, le tracteur accusait 377.613 kilomètres ; que M. X..., expert judiciaire, émet les conclusions suivantes :
Sur le tracteur et la remorque : la remorque et le tracteur ont été examinés par le sapiteur, Monsieur Y.... Dans son rapport, il précise que les désordres, avaries et dysfonctionnements sont réels. Ces désordres sont caractéristiques d'une usure importante de l'ensemble routier, usure antérieure à l'achat de l'ensemble par la société Pech'Alu. Il ajoute dans son rapport que les valeurs d'achat sont en complète inadéquation avec l'état de ce matériel.
Sur la grue Palfinger : pour l'expert, il n'y a pas de doute, les désordres relevés sur la grue lors des opérations d'expertise sont des désordres qui affectaient déjà le matériel au moment du contrat de vente. Cette grue était de toute évidence dans le même état lorsque la société Pech'Alu en a fait l'acquisition. Les dysfonctionnements et désordres existants sur ce matériel résultent de son très mauvais état. Ce dernier n'aurait jamais dû être remis sur le marché.
De l'avis de l'expert, il s'agit tant pour l'ensemble routier que pour la grue, d'un matériel qui est usé et pour lequel il n'y a pas lieu de procéder à des remises en état.

La société Le Bris doit rembourser à la société Pech'Alu le montant total du prix d'achat du matériel, soit 75.000 euros HT. Le montant des frais engagés par la société Pech'Alu pour le tracteur et la remorque s'élève à 101.892,11 euros HT.
Pour la grue Palfinger, la société Pech'Alu n'a pas entrepris de frais. Elle a tout simplement cessé de l'utiliser au regard de son état et de sa dangerosité.
Pour effectuer les opérations de levage et de transports requis pour honorer ses engagements professionnels, la société Pech'Alu a fait appel à des loueurs possédant du matériel de levage et à des transporteurs. Le montant total de ces opérations s'élève à 266.537,15 euros HT (plus) 25.756,75 euros soit au total 292.293.90 euros HT du 16 juin 2008 au 15 janvier 2012. De l'avis de l'expert, seule une partie de cette somme (292.293,90 euros) peut constituer un préjudice. En effet, il convient d'indiquer que la société Pech'Alu a très probablement refacturé à ses clients les frais de transport et de grutage dont elle fait état dans son document n°149. Par ailleurs, le matériel acheté était loin d'être neuf, et la société Pech'Alu ne pouvait pas espérer avec un matériel d'un coût total à l'achat de 75.000 eus HT facturer 266.537,15 euros HT plus 25.756,75 euros soit au total 292.293.90 euros HT en l'espace de 4 années.
que M. Y..., sapiteur, dans le rapport qu'il a adressé à l'expert judiciaire le 24 novembre 2011 indique spécialement que : Nous avons examiné le traceur routier Unic-Iveco immatriculé 133 YZ 56 et la semi-remorque Trax immatriculée 141 YZ 56. Cet ensemble routier pouvant convenir à des transports volumineux en « convoi exceptionnel » est ancien et nécessite des interventions constantes sous forme de dépannages sur la voie publique avec immobilisation du matériel et objets transportés, une maintenance importante et un coût d'exploitation très élevé.
Les désordres, avaries et dysfonctionnements et décrits dans le corps du rapport sont réels et antérieurs à l'achat de l'ensemble routier par la société Pech'Alu.
Ces désordres sont caractéristiques d'une usure importante aussi bien du tracteur que de la semi-remorque et en complète inadéquation avec les valeurs d'achats des matériels.
L'utilisation de la semi-remorque dépourvue d'essieux auto-vireur n'est plus exploitable sur les routes départements avec leurs nombreux giratoires. Le ripage des pneus entraine des éclatements, des contraintes mécaniques importantes au niveau des deux essieux AR, des immobilisations et des frais importants.
que cette appréciation confirme celle émise contradictoirement par M. Z..., expert officieux, dans un rapport du 27 avril 2011, qui conclut que la grue, d'ailleurs refusée par la CIFRA, est inutilisable et que l'ensemble routier est atteint d'anomalies antérieures à son achat par la société Pech'Alu International ; que les nombreux incidents et pannes démontrent que l'ensemble routier ne peut être utilisé normalement et que à l'exception du défaut d'essieu vireur, n'étaient pas décelables par un acheteur normalement avisé mais étaient nécessairement connues de la société Le Bris Occasion Poids Lourds, professionnelle de la vente de poids lourds d'occasion ; que l'inutilité de sa remise en état et l'impossibilité de tout fonctionnement normal résultant essentiellement d'anomalies préexistantes à la vente mais indécelable par un acheteur normalement avisé, constituent des vices cachés qui, s'ils avaient été connus par la société Pech'Alu International, auraient empêché la vente, laquelle sera par suite résolue ; que cette annulation doit comme requis entrainer la restitution du prix soit 75.000 euros Hors Taxes et la réparation du préjudice subi ; que celui-ci consiste dans les travaux de remis en état en réalité inutiles (101.892,11 euros), le surcoût d'exploitation engendré par les pannes et la privation d'usage, que eu égard d'abord au fait d'ailleurs relevé par l'expert que l'acquisition d'un matériel d'occasion rendait prévisible une exploitation plus lourde que pour un matériel neuf et qu'au moins pour partie la location de matériel plus récent a remédié à cette situation en évitant ces dépenses, que compte tenu ensuite de la probable refacturation d'une partie de ce surcoût de location à ses clients, la Cour évaluera le préjudice de la société Pech'Alu International à 30.000 euros ; que le jugement sera réformé en ce sens et que la société Le Bris Occasion Poids Lourds condamnée au paiement des sommes suivantes : 75.000 euros Hors Taxes à titre de remboursement du prix, 101.892,11 euros au titre de remises en état inutiles, 30.000 euros en réparation du préjudice d'exploitation ; que sera également ordonné la reprise à ses frais par la société Le Bris Occasion Poids Lourds de l'ensemble routier mais sans astreinte dans un délai d'un moins à compter de la notification du présent arrêt ;

1° ALORS QUE seule constitue un vice caché l'usure anormale d'une chose vendue d'occasion ; qu'en se bornant à relever le « mauvais état » et l'« usure importante de l'ensemble routier » qui, en conséquence, « ne p(ouvait) être utilisé normalement », sans établir le caractère anormal de cet état du matériel vendu d'occasion après avoir été exploité près de vingt ans sur des chantiers, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du Code civil ;

2° ALORS QUE ne constitue pas un vice caché le mauvais état d'une chose vendue d'occasion dont l'acquéreur pouvait se convaincre lui-même ; qu'en jugeant que le mauvais état de l'ensemble routier « n'était pas décelable par un acheteur normalement avisé » (arrêt, p. 5, pénultième §), quand elle avait constaté le « mauvais état » et l'« usure importante de l'ensemble routier » au jour de la vente et avait relevé que la société Pech'Alu ne pouvait que s'attendre, en acquérant un matériel d'occasion, à une exploitation plus lourde que pour un matériel neuf, ce dont il résultait que l'état d'usure du matériel ne pouvait échapper à un acheteur normalement avisé, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1641 et 1642 du Code civil ;

3° ALORS QUE l'erreur sur la valeur commise par l'acquéreur ne constitue pas un vice caché ; qu'en déduisant pourtant l'existence d'un vice affectant l'ensemble routier de ce que la valeur d'achat des matériels par la société Pech'Alu International était, selon l'expert, en « complète inadéquation » avec leur état, la Cour d'appel a violé les articles 1641 et 1642 du Code civil ;

4° ALORS QUE en l'absence d'indivisibilité, le vice caché affectant un bien n'est pas de nature à justifier la résolution de la vente d'un autre bien ; qu'en prononçant la résolution de la vente, à raison des vices cachés affectant la grue, non seulement de la grue mais aussi du tracteur et de la remorque, sans établir que les ventes de la grue, du tracteur et de la remorque étaient indivisibles et que la résolution de la vente de l'un d'eux devait entrainer la résolution de la vente des deux autres, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-28127
Date de la décision : 27/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 sep. 2016, pourvoi n°14-28127


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28127
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award