Vu enregistrée au greffe du tribunal administratif le 29 mars 1989 sous le n° 1876/TAP/89 la requête présentée pour MM. X... et Y... représentés par Me Quinquis, avocat à Papeete et tendant à ce que le tribunal annule pour excès de pouvoir la délibération n° 88-157 du 22 novembre 1988 par laquelle l'assemblée territoriale de la Polynésie française a approuvé le budget du territoire pour l'exercice 1989 ;
Vu l'ensemble des mémoires et des autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 26 septembre 1989 :
- M. Aubert, conseiller, en son rapport,
- M. Brenier, commissaire du gouvernement en ses conclusions ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de la loi susvisée du 6 septembre 1984 : "Article 63 : L'assemblée territoriale vote le budget et approuve les comptes du territoire. Le budget du territoire est voté en équilibre réel. Le budget du territoire est en équilibre lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit, des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissement et de provision, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ... ; Article 77 : Lorsque le budget du territoire n'est pas voté en équilibre réel, la Cour des comptes, saisie par le haut-commissaire dans le délai de trente jours à compter de la notification qui lui est faite de la délibération de l'assemblée territoriale, le constate et propose à l'assemblée territoriale, dans un délai de trente jours à compter de sa saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire. La Cour des comptes demande à l'assemblée territoriale une nouvelle délibération.
La nouvelle délibération rectifiant le budget initial doit intervenir dans un délai d'un mois à compter de la communication des propositions de la Cour des comptes.
Si l'assemblée territoriale n'a pas délibéré dans le délai prescrit ou si la délibération prise ne comporte pas de mesures de redressement jugées suffisantes par la Cour des comptes, qui se prononce sur ce point dans un délai de quinze jours à compter de la transmission de la nouvelle délibération, le budget est réglé et rendu exécutoire par le haut-commissaire. Si celui-ci s'écarte des propositions formulées par la Cour des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite" ;
Considérant, en premier lieu, que, pour demander l'annulation de la délibération n° 157-88 du 22 novembre 1988 par laquelle l'assemblée territoriale de la Polynésie française a approuvé le budget du territoire pour l'exercice 1989, MM. X... et Y... doivent être regardés comme soutenant que ladite délibération est intervenue en méconnaissance de la règle de l'équilibre réel prescrite par les dispositions précitées de l'article 63 de la loi du 6 septembre 1984 ; que si l'existence de la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article 77 de la même loi fait obstacle à ce que soient présentées devant le juge de l'excès de pouvoir des prétentions dirigées contre les délibérations budgétaires de l'assemblée territoriale et fondées sur la méconnaissance de la règle de l'équilibre réel, cette irrecevabilité ne peut être opposée aux personnes justifiant d'un intérêt, lorsque le haut-commissaire de la République n'a pas saisi la Cour des Comptes dans le délai de 30 jours imparti par l'article 77 ; qu'en pareil cas les demandeurs, pour invoquer le moyen tiré de cette méconnaissance, diposent, devant le tribunal administratif de Papeete du délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article R. 89 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et qui commence à courir à l'expiration du délai de trente jours précité ; qu'en l'espèce, le haut-commissaire de la République en Polynésie française n'ayant pas saisi la Cour des Comptes de la délibération de l'assemblée territoriale qui lui avait été transmise le 29 novembre 1988, MM. X... et Y... étaient recevables à présenter le 29 mars 1989 leur demande fondée sur la méconnaissance de la règle de l'équilibre réel ; qu'en revanche, ils n'étaient plus recevables, à cette dernière date, à invoquer des moyens étrangers à celui qui est tiré de cette méconnaissance ; qu'ainsi doit être rejeté le moyen tiré de l'illégalité de l'article 23 paragraphe 2 de la délibération contestée confiant au président du gouvernement le soin de "ventiler" l'abattement sur les crédits entre les différents sous-chapitres et articles ;
Considérant, en second lieu, que si les auteurs de la décision attaquée ont entendu limiter les dépenses de l'administration territoriale en procédant à un abattement forfaitaire de celles-ci par rapport à celles de l'année précédente, l'opportunité d'une telle décision ne saurait être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ; qu'en outre, il n'est pas établi que l'évaluation des dépenses qui en est résultée ferait obstacle à ce que le territoire s'acquitte de ses dépenses obligatoires ou serait manifestement insuffisante pour lui permettre de faire face à ses autres charges ;
Considérant, en troisième lieu, que la délibération par laquelle l'assemblée territoriale approuve le budget du territoire présente, par nature, dans ses dispositions relatives à l'évaluation de ses recettes et de ses dépenses, un caractère purement prévisionnel et, par suite, aléatoire ; que dans ces conditions, sauf s'ils révélaient une manoeuvre ayant eu pour objet d'équilibrer de manière purement fictive le budget en cause, les décisions et, notamment celles visant à modifier le budget initial, ou les événements postérieurs à ladite délibération ne sauraient être pris en compte dans l'appréciation de la légalité de celle-ci à la date à laquelle elle est intervenue, alors même qu'ils rendraient plus difficile l'exécution de ce budget ; que, dès lors, la double circonstance que le tribunal administratif ait, par un jugement en date du 21 mars 1989, annulé les articles six à douze de la délibération attaquée créant une taxe de sortie dont le produit était inscrit en recettes au budget à hauteur de 200 millions de FCP, et que la commission permanente de l'assemblée territoriale ait le 8 décembre 1988 abrogé l'article 15 de la même délibération limitant la part des revenus et salaires des dirigeants déductible de l'impôt sur les sociétés, demeure sans influence sur la légalité de l'évaluation opérée à la date de la délibération contestée ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'examen des seules pièces versées au dossier ne permet pas d'établir que l'évaluation du produit à attendre des contributions sur les propriétés bâties, des contributions indirectes et des patentes serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en cinquième lieu, que les irrégularités qui entacheraient l'inscription en recettes, de participations de fonds spéciaux et du produit du prélèvement sur la loterie territoriale, à les supposer établies, ne sauraient être regardées, eu égard au montant relativement faible de ces recettes comparé au montant total des ressources du budget de fonctionnement du territoire, comme remettant en cause l'économie générale de l'équilibre du budget ;
Considérant, enfin, que si les requérants font valoir que le montant du "résultat de fonctionnement reporté" serait exagéré compte tenu du déficit prévisible de l'exercice 1988, cette allégation n'est établie par aucune des pièces versées au dossier ; que par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce que les excédents prévisibles soient repris dans le budget primitif alors même que le résultat définitif du compte n'est pas encore connu ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. X... et Y... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la délibération attaquée ; que leur requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;
Article 1er : La requête de MM. X... et Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. X..., à M. Y..., au président de l'assemblée territoriale de la Polynésie française et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.