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14/04/2006 | FRANCE | N°291510

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 14 avril 2006, 291510


Vu 1°), sous le n° 291510, la requête et les observations complémentaires, enregistrées les 20 et 30 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour la société ALMIRALL, dont le siège est situé Immeuble Le Barjac, 1, X... Victor à Paris (75015) ; la société demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision du 28 février 2006 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a

inscrit au répertoire des groupes génériques la spécialité Ebastine Alter 10 mg...

Vu 1°), sous le n° 291510, la requête et les observations complémentaires, enregistrées les 20 et 30 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour la société ALMIRALL, dont le siège est situé Immeuble Le Barjac, 1, X... Victor à Paris (75015) ; la société demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision du 28 février 2006 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a inscrit au répertoire des groupes génériques la spécialité Ebastine Alter 10 mg comprimé pelliculé en qualité de générique de la spécialité Kestin 10 mg comprimé pelliculé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Laboratoires Alter la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'AFSSAPS a méconnu les articles L. 5221-1 et R. 5121-1 du code de la santé publique en considérant la spécialité Ebastine Alter comme un générique de la spécialité Kestin alors que la bioéquivalence entre ces deux spécialités n'est pas démontrée, l'ébastine étant micronisée dans la spécialité Kestin alors qu'elle ne l'est pas dans la spécialité Ebastine Alter ; que l'urgence résulte des risques que ferait courir à la santé publique la commercialisation d'une formulation non micronisée de l'ébastine ainsi que du préjudice commercial et financier qu'entraînerait pour la société ALMIRALL la commercialisation d'une spécialité présentée comme un générique du Kestin ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête tendant à l'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2006, présenté par l'AFSSAPS, qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que la commercialisation d'une formulation non micronisée de l'ébastine ne porterait pas atteinte à la santé publique ; que la société ALMIRALL ne démontre pas la gravité et l'immédiateté des préjudices commercial et financier invoqués ; que le préjudice économique invoqué par la société requérante doit être confronté à l'intérêt que représentent les génériques pour l'équilibre financier du régime général de l'assurance maladie ; que c'est à bon droit qu'à été admise la bioéquivalence entre l'Ebastine Alter et le Kestin ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2006, présenté pour la société Laboratoires Alter, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société ALMIRALL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la bioéquivalence entre l'Ebastine Alter et le Kestin a été démontrée ; que la formulation non micronisée de l'ébastine ne crée aucun danger pour la santé publique ; que l'inscription au répertoire des groupes génériques n'a aucune conséquence directe sur la commercialisation de la spécialité générique ; que le préjudice financier invoqué n'est pas démontré ; que l'appréciation de l'urgence doit tenir compte de l'intérêt des génériques pour l'équilibre financier de l'assurance maladie ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2006, présenté par l'AFSSAPS, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et qui précise en outre que si l'agence avait su que l'Ebastine Alter n'est pas micronisée alors que le Kestin est micronisé, elle aurait demandé des justifications complémentaires de l'absence d'incidence de la micronisation sur la bioéquivalence ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 avril 2006, présenté pour la société ALMIRALL, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part la société ALMIRALL et d'autre part, la société Laboratoires Alter et l'AFSSAPS ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 7 avril 2006 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

-Me Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société ALMIRALL ;

-Me Piwnica et Me Y..., avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société laboratoires Alter ;

-les représentants de la société ALMIRALL et de la société Laboratoires Alter ;

-les représentants de l'AFSSAPS ;

Vu le nouveau mémoire présenté le 11 avril 2006 pour la société ALMIRALL ;

Vu le nouveau mémoire présenté le 13 avril 2006 pour la société Laboratoires Alter ;

Vu, 2° sous le n° 291511, la requête et les observations complémentaires enregistrées les 20 et 30 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour la société ALMIRALL, dont le siège est situé Immeuble Le Barjac, 1, X... Victor à Paris (75015) ; la société demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision du 29 novembre 2005 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a délivré à la société Laboratoires Alter une autorisation de mise sur le marché de la spécialité Ebastine Alter 10 mg comprimé pelliculé en qualité de générique de la spécialité Kestin 10 mg comprimé pelliculé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Laboratoires Alter la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle présente les mêmes moyens que dans l'affaire n° 291510 ; elle soutient en outre que la procédure de délivrance de l'autorisation de mise sur le marché a été irrégulière car la société Laboratoires Alter, en méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, a omis d'informer la société ALMIRALL du dépôt de la demande d'autorisation ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête tendant à l'annulation de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2006, présenté par l'AFSSAPS, qui conclut au rejet de la requête ; elle présente les mêmes moyens que dans l'affaire n° 291510 ; elle soutient en outre que l'éventuelle méconnaissance, par un laboratoire déposant une demande d'autorisation de mise sur le marché d'une spécialité générique, de l'obligation d'informer le titulaire de droits de propriété intellectuelle sur la spécialité de référence, prévue par l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, est sans incidence sur la légalité de l'autorisation, dès lors que cette obligation ne met en jeu que le respect des droits de propriété intellectuelle et que l'AFSSAPS ne saurait se fonder sur une telle méconnaissance pour refuser l'autorisation demandée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2006, présenté pour la société Laboratoires Alter, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société ALMIRALL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle présente les mêmes moyens que dans l'affaire n° 291510 ; elle soutient en outre qu'elle n'était pas tenue d'informer la société ALMIRALL en application de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, dès lors que la fabrication de la spécialité générique Ebastine Alter, à base d'ébastine non micronisée, n'utilise pas le procédé de micronisation de l'ébastine pour lequel la société ALMIRALL invoque la protection d'un brevet ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2006, présenté par l'AFSSAPS, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et qui apporte les mêmes précisions que dans l'affaire n° 291510 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 avril 2006, présenté pour la société ALMIRALL, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la procédure abrégée prévue par l'article R. 5133 du code de la santé publique n'était pas applicable car la spécialité de référence, le Kestin, n'était pas autorisée depuis plus de dix ans et si la spécialité Ebastel est autorisée en Espagne depuis plus de dix ans, elle n'est pas commercialisée en France ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part la société ALMIRALL et d'autre part, la société Laboratoires Alter et l'AFSSAPS ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 7 avril 2006 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

-Me Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société ALMIRALL ;

-Me Piwnica et Me Y..., avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société laboratoires Alter ;

-les représentants de la société ALMIRALL et de la société Laboratoires Alter ;

-les représentants de l'AFSSAPS ;

Vu le nouveau mémoire présenté le 11 avril 2006 pour la société ALMIRALL ;

Vu le nouveau mémoire présenté le 13 avril 2006 pour la société LABORATOIRES ALTER ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant que, par décision du 29 novembre 2005, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a délivré à la société Laboratoires Alter une autorisation de mise sur le marché de la spécialité Ebastine Alter 10 mg comprimé pelliculé en qualité de générique de la spécialité Kestin 10 mg comprimé pelliculé ; que, par décision du 28 février 2006, le directeur général de l'AFSSAPS a inscrit la spécialité Ebastine Alter au répertoire des groupes génériques ; que la société ALMIRALL, qui commercialise la spécialité Kestin, demande la suspension de ces deux décisions ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence à prononcer ces suspensions, la société ALMIRALL soutient en premier lieu que la commercialisation de la spécialité Ebastine Alter, composée d'ébastine non micronisée, dont les capacités de dissolution seraient inférieures à celles de l'ébastine micronisée composant la spécialité Kestin, serait préjudiciable à la protection de la santé publique ; que toutefois il ne résulte pas de l'instruction qu'à supposer même que les capacités de dissolution de l'ébastine soient inférieures sous forme non micronisée par rapport à la forme micronisée, l'usage d'ébastine non micronisée comme anti-histaminique indiqué dans le traitement de la rhinite allergique et de l'urticaire, au demeurant déjà utilisé en Europe, serait de nature à représenter un risque pour la santé publique ;

Considérant, en second lieu, que la Société ALMIRALL soutient que la commercialisation de la spécialité générique Ebastine Alter entraînera une baisse des ventes de la spécialité Kestin d'environ 50 à 60 %, alors que cette spécialité représente 25 % de son chiffre d'affaires, provoquera une baisse du prix de cette spécialité et gênera la commercialisation du nouveau produit Kestin Lyo, ce qui aura globalement pour conséquence de ramener son résultat opérationnel d'un niveau positif à un niveau négatif ; que toutefois il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à la diversité des spécialités commercialisées par la société ALMIRALL et à l'incertitude quant à la future part de marché de l'Ebastine Alter, que l'autorisation de cette dernière spécialité soit de nature à porter une atteinte grave à l'équilibre économique et financier de la société ALMIRALL ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, la condition d'urgence n'étant pas remplie, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins de suspension présentées par la société ALMIRALL et, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ALMIRALL les sommes que demande la société Laboratoires Alter au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de la société ALMIRALL sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Laboratoires Alter au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société ALMIRALL, à la société Laboratoires Alter et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 291510
Date de la décision : 14/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2006, n° 291510
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:291510.20060414
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