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26/05/2016 | FRANCE | N°14BX01824

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 26 mai 2016, 14BX01824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Brassac a rejeté sa demande tendant au rétablissement de la circulation sur le chemin rural n° 6, et d'enjoindre à ce dernier de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de la circulation sur ce chemin.

Par un jugement n° 1002805 du 22 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision implicite et a enjoint au maire de Brassac de rétablir la circul

ation sur le chemin rural n° 6 dans un délai de quatre mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Brassac a rejeté sa demande tendant au rétablissement de la circulation sur le chemin rural n° 6, et d'enjoindre à ce dernier de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de la circulation sur ce chemin.

Par un jugement n° 1002805 du 22 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision implicite et a enjoint au maire de Brassac de rétablir la circulation sur le chemin rural n° 6 dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 juin 2014, les 21 et 23 septembre 2015, la commune de Brassac, prise en la personne de son maire, représentée par Me Bugis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 22 avril 2014 ;

2°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me Bugis, avocat de la commune de Brassac et celles de Me Plumelet, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., qui habite à proximité du chemin rural n° 6 de la commune de Brassac sur lequel se trouveraient des barrières et des excavations, a demandé au maire de cette commune, par un courrier du 30 mars 2010 notifié le 7 avril 2010, de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir l'accès et la libre circulation sur ce chemin. A la suite du rejet implicite de sa demande, M. A...a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d'obtenir l'annulation de cette décision ainsi que l'injonction au maire de Brassac de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la circulation sur ce chemin. La commune de Brassac relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 22 avril 2014 accueillant ces deux demandes. Par la voie de l'appel incident, M. A...demande que l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Toulouse soit assortie d'une astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois courant à compter de la notification du présent arrêt.

Sur l'appel principal :

2. Le tribunal administratif de Toulouse a, par le jugement attaqué, annulé la décision implicite de rejet du maire de Brassac au motif que ce dernier ne pouvait refuser de faire usage de ses pouvoirs de police pour assurer la libre circulation sur le chemin n° 6 sans méconnaître les dispositions des articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural, dès lors que le chemin n°6 est un chemin rural. A l'appui de sa demande d'annulation de ce jugement, la commune de Brassac soutient que le chemin n° 6 n'est pas un chemin rural mais un chemin d'exploitation, et qu'il a d'ailleurs en partie disparu.

3. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-3 de ce code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ". Selon l'article L. 161-4 dudit code : " Les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire. ". Aux termes de l'article L. 162-1 de ce code : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public. ".

4. En premier lieu, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif de Toulouse, la commune ne peut utilement se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 18 octobre 2004, relatif à l'élargissement du chemin n°6 à son arrivée sur la route départementale n°2 par empiètement sur la propriété d'un particulier afin de désenclaver d'autres parcelles jouxtant ce chemin, dès lors que cet arrêt n'est revêtu que de l'autorité relative de la chose jugée et que le litige y afférent n'a ni la même cause, ni le même objet ni les mêmes parties que celui résultant de la demande présentée par M. A...dans son courrier du 30 mars 2010.

5. En deuxième lieu, par un premier jugement n°0602564 du 3 décembre 2009, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. et Mme A...et de M. et Mme A...-C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2006 par lequel le maire de Brassac a autorisé la construction d'un mur de clôture et l'élargissement du chemin n° 6, qu'il a regardé comme un chemin privé. Par un second jugement du 26 février 2010, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable, faute de décision faisant grief, la demande de M. A...et de M. et Mme A...-C... tendant à l'annulation du courrier du 6 février 2006 par lequel le maire de Brassac les a avisés que le chemin n° 6 est un chemin d'exploitation. La commune de Brassac ne peut pas davantage utilement se prévaloir, pour caractériser le statut du chemin, de ces deux jugements de rejet, qui ne sont revêtus que de l'autorité relative de la chose jugée, en l'absence d'identité de cause, d'objet et de parties avec le présent litige.

6. En troisième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de la commune de Brassac a, par une délibération du 25 juin 1882 adoptée en application d'une circulaire du 14 février 1882, approuvé le tableau de classement des chemins ruraux de la commune qui comportait alors le chemin n° 6 " de Brassac à la garrigue allant joindre la route n° 6, avec embranchement du côté de cap d'Aze jusqu'à la route départementale n° 2 " et que cette délibération a été confirmée après l'enquête publique, malgré l'avis défavorable du commissaire enquêteur en ce qui concerne le chemin n°6, par une délibération du conseil municipal du 16 août 1885. Si, comme le soutient la commune de Brassac, les motifs de cette dernière délibération rappellent que ce chemin a été créé par une personne privée, il n'en demeure pas moins que cette délibération confirme le " classement " de ce chemin comme un chemin rural. En outre, si la commune de Brassac produit divers actes de vente d'immeubles postérieurs à cette délibération désignant ce chemin comme un chemin de service, elle ne produit aucun titre de propriété ni de décision de cession prise en application de l'article L. 161-10 du code rural, ni ne démontre l'existence d'une propriété privée par prescription. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de saisir le juge judiciaire en l'absence de difficultés sérieuses, la commune de Brassac ne rapporte pas la preuve que ce chemin ne lui appartiendrait pas.

7. En dernier lieu, selon l'article L. 161-2 du code rural : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. ". Un seul des éléments indicatifs figurant à l'article L. 161-2 du code rural permet de retenir la présomption d'affectation à l'usage du public.

8. En outre lorsqu'il est soutenu que la désaffectation d'un chemin rural résulte d'un état de fait, caractérisé notamment par la circonstance qu'il n'est plus utilisé comme voie de passage et qu'il ne fait plus l'objet de la part de l'autorité communale d'actes réitérés de surveillance ou de voirie, il appartient au juge, qui apprécie souverainement cet état de fait, de tenir compte, pour cette appréciation, de l'éventuelle irrégularité de la situation ayant empêché l'utilisation de ce chemin et des contestations qu'elle a, le cas échéant, suscitées.

9. La commune de Brassac semble soutenir que le chemin n° 6 est un chemin d'exploitation au motif qu'il dessert diverses parcelles et que les barrières qui y seraient édifiées font obstacle à un usage du public. Cependant, ainsi qu'il a été rappelé au point 6, ce chemin a été classé chemin rural. Dès lors, il résulte de l'article L. 161-2 du code rural, que l'installation de barrières et la présence de murets et d'obstacles naturels ne sauraient à elles seules, dans la mesure où il n'est ni établi ni même allégué qu'elle ne résulte pas d'une carence fautive de l'autorité communale dans l'exercice de ses pouvoirs de police, démontrer que le chemin n° 6 n'est pas affecté à l'usage du public. Par suite, la commune de Brassac n'est pas fondée à soutenir que le chemin n°6 serait un chemin d'exploitation ni à se prévaloir de ce que son tracé aurait partiellement disparu.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M.A..., que la commune de Brassac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite par laquelle le maire de Brassac a rejeté la demande de M. A...énoncée dans son courrier du 30 mars 2010 et lui a enjoint de rétablir la circulation sur ce chemin.

Sur l'appel incident :

11. M. A...demande que l'injonction prononcée par le jugement attaqué soit assortie d'une astreinte de 300 euros par jour de retard, passé le délai de deux mois courant à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Toulouse de l'astreinte demandée par M. A....

Sur la demande indemnitaire :

12. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ". La commune de Brassac sollicite le versement d'une indemnité de 3 000 euros pour procédure abusive. A supposer qu'elle ait ainsi entendu invoquer l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, ces dispositions constituent un pouvoir propre du juge, de sorte que cette demande est irrecevable. En tout état de cause, il résulte de ce qui précède que cette demande indemnitaire n'est pas fondée et ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la commune de Brassac demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Brassac est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A...tendant au prononcé d'une astreinte sont rejetées.

Article 3 : La commune de Brassac versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 14BX01824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX01824
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-01-006 Voirie. Composition et consistance. Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCPI BUGIS PERES BALLIN RENIER ALRAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-26;14bx01824 ?
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