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19/02/2016 | FRANCE | N°14PA05072

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 19 février 2016, 14PA05072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler les décisions du 10 avril 2014 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du

7 octobre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1408860 du 11 octobre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de M

elun, d'une part, a annulé les décisions du 10 avril et l'arrêté du 7 octobre 2014 et, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler les décisions du 10 avril 2014 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du

7 octobre 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1408860 du 11 octobre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé les décisions du 10 avril et l'arrêté du 7 octobre 2014 et, d'autre part, a ordonné au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter l'ensemble des demandes de M.A....

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a annulé les décisions du 10 avril 2014 et l'arrêté du 7 octobre 2014 en se fondant sur l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressé ;

- les autres moyens invoqués par M. A...en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2015, M.A..., représenté par

MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me B...en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la

loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en outre, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu la décision n° 2015/008967 du 27 mars 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris accordant à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Boissy a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., de nationalité bangladaise, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 28 juin 2009, en compagnie de son épouse, a sollicité, le

29 juillet 2009, son admission au séjour, sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre de l'asile ; que la qualité de réfugié lui a été successivement refusée par l'office français de protection des refugiés et des apatrides (OFPRA) le 30 octobre 2009 et la Cour nationale du droit d'Asile (CNDA) le 22 décembre 2010 ; que, par une décision du 13 juillet 2011, le préfet de police a alors refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que, le 8 juillet 2012, M. A...a demandé au préfet de police de réexaminer sa demande d'asile ; qu'après que l'OFPRA, saisi dans le cadre de la procédure prioritaire, puis la CNDA lui eurent à nouveau refusé de lui accorder la qualité de réfugié, par des décisions respectivement prises les 15 novembre 2011 et 24 juin 2013, le préfet de police a, par un arrêté en date du 28 août 2013, refusé de l'autoriser à séjourner en France et lui a fait obligation de quitter le territoire ; que, le 30 octobre 2013, M. A...a une seconde fois demandé le réexamen de sa demande d'asile ; que le préfet de police a de nouveau appliqué le 4° de

l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à l'intéressé de séjourner provisoirement en France ; qu'à la suite de la décision du

23 décembre 2013 par laquelle l'OFPRA a rejeté sa demande de réexamen, le préfet de police a pris un arrêté, le 10 avril 2014, par lequel il a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; qu'à la suite d'un contrôle d'identité, M. A...été placé en rétention administrative par un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 7 octobre 2014 ; que le préfet de police relève appel du jugement du 11 octobre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé les décisions du

10 avril 2014 et l'arrêté du 7 octobre 2014 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et plaçant l'intéressé en rétention et, d'autre part, lui a ordonné de procéder au réexamen de la situation de M. A...et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :

2. Considérant que le préfet de police n'a pas intérêt à faire appel contre la partie du jugement prononçant l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2014 dès lors que cet arrêté a été pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

3. Considérant que si M. et MmeA..., mariés au Bangladesh le 2 août 2002, ont trois enfants nés en France respectivement les 12 octobre 2009, 14 février 2011 et 30 avril 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des manoeuvres dilatoires effectuées en 2012

et 2013, exposées au point 1, en vue de faire échec aux décisions refusant à M. A...la qualité de réfugié, que ce dernier, qui n'apporte par ailleurs aucun élément tendant à établir son intégration professionnelle, sociale ou culturelle, était significativement inséré dans la société française à la date des décisions contestées ; que rien ne faisait par ailleurs obstacle à ce que l'intéressé reconstitue avec son épouse et ses enfants sa cellule familiale au Bangladesh, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et dans lequel il a par ailleurs conservé des attaches familiales ; que si Mme A...était enceinte de huit mois et demi à la date des décisions contestées et s'il lui était médicalement déconseillé de voyager, cette circonstance reste, par

elle-même, sans incidence sur la légalité de ces décisions dès lors, d'une part, qu'étant

elle-même en situation irrégulière, elle n'avait pas vocation à séjourner en France, de sorte que rien ne lui interdisait de rejoindre son mari après la naissance de son troisième enfant et que, d'autre part, et en tout état de cause, M.A..., qui n'avait pas été placé en rétention administrative en avril 2014, pouvait spontanément exécuter la mesure d'éloignement après la naissance de son troisième enfant en compagnie de sa famille ; que, dans ces conditions, le préfet de police, en décidant d'éloigner M. A... du territoire français et en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressé ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a annulé ses décisions du 10 avril 2014 en se fondant sur ce motif ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...tant en première instance qu'en appel ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par MmeC..., qui a reçu du préfet de police délégation de signature notamment aux fins de signer toutes les décisions et arrêtés en matière d'admission ou de refus d'admission au séjour des étrangers et d'obligation qui leur est faite de quitter le territoire français, par arrêté n° 2013-01158 du

18 novembre 2013 publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 22 novembre 2013, en cas d'absence ou d'empêchement de M.E..., sous directeur de l'administration des étrangers, de MmeF..., adjointe au sous-directeur de l'administration des étrangers, et de MmeD..., chef du 10ème bureau ; que M. A...n'établit ni même n'allègue que M. E..., Mme F...et Mme D...n'auraient pas été absents ou empêchés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée énonce précisément les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle n'est dès lors entachée d'aucune insuffisance de motivation au regard de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni que sa situation de santé fasse obstacle à son éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; que, dès lors, le préfet de police n'a en tout état de cause pas entaché la procédure d'irrégularité en ne saisissant pas le médecin-chef pour avis ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, et eu égard également aux conditions d'entrée et de séjour et du caractère récent de son arrivée en France, la décision contestée n'a en l'espèce pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 à 9, le préfet de police n'a pas commis d'irrégularité en ne saisissant pas le médecin chef et n'a pas davantage violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que M.A..., dont la demande d'asile a été à plusieurs reprises rejetée par l'OFPRA et la CNDA, n'établit ni la réalité ni l'actualité des risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé ses décisions du

10 avril 2014 et, d'autre part, lui a ordonné de procéder au réexamen de la situation de M. A... et à demander l'annulation des articles 1er à 3 de ce jugement et le rejet de la demande de

M. A...tendant à l'annulation des décisions du 10 avril 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à l'avocat de M. A...la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement n° 1408860 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun en date du 11 octobre 2014 sont annulés.

Article 2 : La demande de M. A...tendant à l'annulation des décisions du 10 avril 2014 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 février 2016.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05072
Date de la décision : 19/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : HAMMAMI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-19;14pa05072 ?
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