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03/09/2014 | FRANCE | N°13-83129

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 septembre 2014, 13-83129


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Myriam X..., née Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 7e chambre, en date du 8 avril 2013, qui, pour menace ou acte d'intimidation sur victime, diffusion d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle sans son accord et diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou délit portant gravement atteinte à la dignité d'une victime et réalisée sans son accord, l'a condamnée à n

euf mois d'emprisonnement avec sursis et 800 euros d'amende, et a prononcé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Myriam X..., née Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 7e chambre, en date du 8 avril 2013, qui, pour menace ou acte d'intimidation sur victime, diffusion d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle sans son accord et diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou délit portant gravement atteinte à la dignité d'une victime et réalisée sans son accord, l'a condamnée à neuf mois d'emprisonnement avec sursis et 800 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 juin 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Foulquié, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Moignard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 34 de la Constitution, des articles 6, 7 et 10, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 435-4 du code pénal, des articles 35 quater et 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de menace ou d'acte d'intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte ou à se rétracter, de diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit portant gravement atteinte à la dignité d'une victime et réalisée sans son accord, et de diffusion d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression ou d'atteinte sexuelle sans son accord écrit ;
" aux motifs que les menaces adressées à Mme Z... ressortent clairement du ton et des termes des écrits de Mme X... sur facebook, notamment les phrases « on va bien s'occuper de toi ¿ », « ta venue est attendue à Orly ¿ », « sache que je vais te le faire manger ¿ », sont sans ambiguïté ; la prévenue a mis en ligne des écrits permettant l'identification précise tant de Mme Z... que de la procédure dans laquelle celle-ci s'est constituée partie civile ; par ailleurs, la diffusion de pièces de procédure n'est pas contestée ; les explications de Mme X...qui serait convaincue de l'innocence de son mari, et ne chercherait qu'à contrecarrer une machination imaginée par Mme Z..., ne permettent nullement de justifier les écrits diffusés ; que l'examen du dossier ne met en lumière aucune raison de revenir sur l'appréciation par le tribunal des faits poursuivis à l'encontre de la prévenue lesquels sont établis par la procédure malgré les dénégations partielles de celle-ci au cours de l'enquête ;
" et aux motifs réputés adoptés qu'il résulte de la procédure et des débats que Mme Z... est, depuis fin 2010, partie civile dans une procédure pénale ouverte du chef de viol, sous la menace d'une arme, séquestration et violences volontaires avec arme, suivie à l'encontre de M. X... ; qu'elle a déposé plainte, par la voie de son conseil le décembre 2011 pour injures, diffamation et violation du secret de l'instruction, tous faits dont elle s'estime victime depuis fin 2010 de la part de l'épouse du mis en examen, Mme Y...épouse X... ; qu'elle a produit à l'appui de sa plainte, divers documents constitués de commentaires diffusés via internet sur le réseau social facebook depuis fin 2010 par la nommée Mme X..., incluant notamment des pièces issues du dossier d'instruction en cours ; que les services de police se sont connectés le 22 février 2012 sur le réseau facebook et sur le profil de Mme X... et ont consulté ses publications depuis le 2 novembre 2011 et accessibles à tous, le commentaire le plus récent étant du 20 février 2012 ; qu'ils ont constaté la rédaction de commentaires explicites sur l'affaire en cours d'instruction, d'injures et de menaces à l'endroit de la victime clairement identifiable, de nouveaux commentaires étant même diffusés depuis un autre profil facebook (« agression verbale ») par Mme X... ; qu'ils ont également constaté que certains commentaires étaient assortis de pièces de procédure cotées issues de l'information judiciaire : procès-verbaux d'audition de fonctionnaires de police, de la victime, d'un témoin, de certificats médicaux concernant Leila Z... (UML, expertise psychiatrique), rapport d'un fonctionnaire de police judiciaire adressé au juge d'instruction ; que Mme X... a reconnu tant devant les services de police qu'à la barre, être l'auteur de ces divers commentaires sur les deux profils facebook, justifiant ces actes par la conviction de l'innocence de son mari incarcéré depuis deux ans dans le cadre de l'instruction, et a déclaré que par ce biais elle tentait de contribuer à la manifestation de la vérité ; que s'agissant des faits de menace ou actes d'intimidation commis en vue de déterminer la victime d'un crime ou d'un délit à ne pas porter plainte ou se rétracter, faits punis et réprimés par l'article 434-5 du code pénal il est constant que Mme Z... est partie civile dans une procédure suivie du chef de viol sous la menace d'une arme contre M. X... au tribunal de grande instance de Créteil et que les propos objets des poursuites, publiés via internet sur le réseau social facebook et accessibles à l'ensemble des utilisateurs du réseau, sont ci-après rapportés, de façon non-exhaustive : « ne te planque pas trop ma petite car tu vois tu es venue t'en prendre à ma famille, sache que je vais te le faire manger, avec la justice c'est à mon tour de m'en prendre à ta famille et tkt j'ai au moins cette particularité de ne pas faire dans la dentèle ! ! ! », « on va bien s'occuper de toi, l'affaire X... te traînera comme un boulet au pied si ce n'est pire », « ce que l'on a fait tu en deviendras folle attaque cérébrale garantie petite merde que tu es ! ! ! », « c'est toi qui prendra le plus cher et ça tkt tu en as ma parole », « attends sagement ton heure », « makak et son frère doivent faire une descente chez toi avec un fusil à pompe » ; que de tels propos, tenus le 2 novembre 2011, date de la publication la plus ancienne pouvant être consultée sur le réseau social, jusqu'en février 2012, ont été constatés par un huissier, et par les services de police, que la prévenue Mme Y..., épouse X... reconnaît en être l'auteur ; que ces propos ont continué alors même que la prévenue avait été citée à comparaître devant le tribunal de céans ; que celle-ci les justifie par sa conviction de l'innocence de son mari, souhaitant ainsi participer à la manifestation de la vérité ; que cependant, les propos tenus par Mme Y..., épouse X... ne tendent nullement à participer à l'exercice de la justice mais représentent des menaces avérées prononcées sciemment à l'encontre de la partie civile, Mme Z..., afin de peser sur son témoignage et d'innocenter son mari ; qu'en conséquence il convient de retenir Mme Y..., épouse X... dans les liens de la prévention ; que s'agissant des faits de diffusion de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit dans des conditions portant gravement atteinte à la dignité de la victime et sans l'accord de celle-ci, faits prévus et réprimés par l'article 35 quater de la loi du 29 juillet 1881, et des faits de diffusion de renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression sexuelle sans son accord, faits prévus et réprimés par l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, qu'il est constant que les circonstances du viol faisant l'objet d'une instruction criminelle et dans laquelle Mme Z... est victime, sont diffusés via internet sur le réseau social facebook, les rendant ainsi accessibles à l'ensemble des utilisateurs du réseau, que la victime y est nommément citée plusieurs pièces du dossier d'instruction y étant reproduites ; que les conditions de cette diffusion portent gravement atteinte à la dignité de la victime car des certificats d'examen gynécologique et psychologique y sont divulgués ainsi que des procès-verbaux de son audition révélateurs des circonstances du crime qu'elle a subi et de son intimité blessée ainsi que du retentissement physique et psychologique des faits, et que l'accord de la victime pour cette diffusion est inexistant ; qu'en conséquence, il convient de retenir Mme Y..., épouse X... dans les liens de la prévention de ces chefs ;
" 1) alors que l'article 35 quater de la loi du 29 juillet 1881 est contraire au principe de légalité des délits et des peines et à la liberté d'expression et de communication garantis respectivement par les articles 8 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il punit « la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances d'un crime ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d'une victime et qu'elle est réalisée sans l'accord de cette dernière » sans définir les éléments constitutifs de ce délit ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
" 2) alors que l'article 35 quater est incompatible avec les articles 6, 7 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'exigence de clarté et de précision qui en découle en ce qu'il ne définit pas précisément les actes susceptibles d'engager la responsabilité pénale d'une personne ; que la condamnation pénale prononcée est dès lors dépourvue de base légale ;
" 3) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir constaté tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en condamnant Mme X... du chef des faits de menaces ou actes d'intimidation en vue de déterminer la victime d'un crime ou d'un délit à ne pas porter plainte ou à se rétracter en relevant que les faits de menaces ont été prononcées sciemment à l'encontre de Mme Z... « afin de peser sur son témoignage et d'innocenter son mari », la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction et a ainsi violé par fausse application l'article 434-5 du code pénal. " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche
Attendu que, par arrêt du 18 décembre 2013, la chambre criminelle a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée ;
Que le grief, devenu sans objet, est inopérant ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche ;
Attendu que ce grief étant nouveau et comme tel irrecevable en ce qu'il soulève pour la première fois devant la Cour de cassation l'inconventionnalité de l'article 35 quater de la loi du 29 juillet 1881, il ne peut être accueilli ;
Sur le moyen, pris en sa troisième branche ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que le grief, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois septembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-83129
Date de la décision : 03/09/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 sep. 2014, pourvoi n°13-83129


Composition du Tribunal
Président : M. Foulquié (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.83129
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