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23/10/2013 | FRANCE | N°13-83499

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 2013, 13-83499


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Hakim X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 5 avril 2013, qui, dans l'information suivie contre M. Halim Y..., du chef de meurtre, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction constatant l'extinction de l'action publique à son égard et a ordonné un supplément d'information ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 septembre 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Laurent conse

iller rapporteur, MM. Pometan, Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mme C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Hakim X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 5 avril 2013, qui, dans l'information suivie contre M. Halim Y..., du chef de meurtre, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction constatant l'extinction de l'action publique à son égard et a ordonné un supplément d'information ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 septembre 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Laurent conseiller rapporteur, MM. Pometan, Foulquié, Moignard, Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, conseillers de la chambre, Mmes Lazerges, Carbonaro, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LAURENT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 juin 2013, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe non bis in idem, des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 55 de la Constitution, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 12 de la Convention conclue entre le gouvernement de la République algérienne et le Gouvernement français relative à l'exequatur et à l'extradition signée à Paris le 29 août 1964, 113-2 et 113-9 du code pénal, préliminaire, 6, 593 et 692 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que l'action publique à l'encontre de M. X... n'est pas éteinte et ordonné un supplément d'information aux fins notamment de mise en examen ;
"aux motifs qu'en application des dispositions de l'article 113-2, alinéa 1er, du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République, ce texte consacrant le principe de territorialité de la loi pénale française ; que si aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique peut s'éteindre notamment par la chose jugée, aucune disposition de droit interne n'interdit de poursuivre devant les juridictions françaises, un étranger condamné dans son pays pour un crime ou un délit commis sur le territoire de la République française ; qu'en effet, cette exclusion de la règle non bis in idem découle des textes alors que les articles 113-9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale n'attachent respectivement l'autorité négative de la chose jugée à une décision étrangère que "dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7" et "dans les cas prévus au chapitre précédent" qui sont relatives à certaines infractions commises en dehors du territoire de la République ; que si la France a ratifié le 4 février 1981 le Pacte international des droits civils et politiques du 19 décembre 1966 dont l'article 14 § 7 dispose dans les termes les plus généraux que "nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays", ce texte est dépourvu de portée internationale ; que le comité des droits de l'homme institué conformément à l'article 28 du dit pacte a ainsi "constaté" que cette disposition "n'interdit les doubles condamnations pour un même fait que dans le cas des personnes jugées dans un Etat donné" ; que l'article 4. 1 du protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure de cet Etat ; que ce texte est donc aussi dépourvu de portée internationale ; que l'article 12 de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l'exequatur et à I'extradition ne prévoit pas que la demande de poursuite constitue une renonciation à cette dernière par l'Etat requérant ; que si les traités ou accords ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, les dispositions de conventions de jumelage ne sauraient prévaloir sur les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale ; qu'en conséquence, même si M. X..., justifie avoir été poursuivi en Algérie et condamné 30 novembre 2008 par le tribunal criminel d'Annaba à la peine de cinq ans d'emprisonnement du chef de coups et blessures entraînant la mort sans intention de la donner, suite à une dénonciation des autorités judiciaires françaises pour des faits de meurtre commis en août 2003 à Lyon sur la personne de M. Z..., l'action publique à son encontre n'est en l'espèce pas éteinte ; qu'au demeurant il doit être observé d'une part, que contrairement à ce qu'a soutenu M. X..., les juridictions algériennes n'ont nullement disposé du dossier d'instruction puisque l'arrêt de la chambre d'accusation de la Cour d'Annaba a déploré à diverses reprises le défaut de transmission de la procédure d'information diligentée à Lyon, d'autre part, que la France partie requérante n 'a pas été avisée des suites données à sa demande ce qui a nécessité le 2 mai 2011 la délivrance d'une commission rogatoire internationale par le magistrat instructeur ;
1°) "alors que; nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits ; que la dénonciation aux fins de poursuites, au sens de l'article 12 de la Convention franco-algérienne d'extradition du 29 août 1964, de faits commis sur le territoire français et que l'Etat requis s'engage consécutivement à juger, emporte renonciation de la part de l'Etat requérant à l'exercice de son droit de poursuite et reconnaissance de la chose consécutivement et effectivement jugée à l'étranger ; qu'en refusant de constater l'extinction de l'action publique, alors que M. X... avait été définitivement condamné pour les mêmes faits, sur dénonciation officielle de la France, par un tribunal criminel algérien, à une peine de cinq ans ferme qu'il avait intégralement purgée, la chambre de l'instruction a violé ce texte, ensemble les articles 55 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 113-2, 113-9 du code pénal, 6 et 692 du code de procédure pénale ;
2°) "alors que la règle non bis in idem constitue une garantie essentielle du droit à un procès équitable ; qu'aucune poursuite ni aucun nouveau procès ne peut être équitable à l'égard de celui qui a déjà été définitivement condamné pour les mêmes faits, sur demande expresse de l'Etat sur le territoire duquel les faits ont été commis ; qu'en ordonnant la poursuite de l'information en vue de la mise en examen de M. X..., déjà définitivement jugé pour les mêmes faits à l'étranger sur dénonciation officielle de la France, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et préliminaire du code de procédure pénale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, mis en cause pour le meurtre de M. Z..., commis à Lyon, le 10 août 2003, M. X... a fait valoir qu'à la suite de la dénonciation faite par les autorités judiciaires françaises, il avait été définitivement condamné, du chef de coups mortels, par jugement du tribunal criminel d'Annaba (Algérie), en date du 30 novembre 2008, à la peine de cinq ans d'emprisonnement, et qu'il avait exécuté celle-ci ; que, par ordonnance en date du 13 novembre 2012, le juge d'instruction a déclaré l'action publique éteinte à son égard, par l'effet de la chose jugée ; qu'appel a été interjeté ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance, rejeter l'exception de chose jugée et ordonner un supplément d'information, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 113-9 du code pénal, 6 et 692 du code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
Qu'en effet, d'une part, la dénonciation faite à un Etat étranger, aux fins de poursuites, n'emporte pas renonciation, de la part de l'Etat requérant, à l'exercice de son droit de poursuite ; que, d'autre part, en dehors des cas où un texte spécial en dispose autrement, et sous réserve de la déduction, lors de l'exécution de la peine, de la détention subie à l'étranger de la peine qui pourrait être ensuite prononcée par la juridiction nationale, les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n'ont pas, en France, l'autorité de la chose jugée, lorsqu'elles concernent des faits commis sur le territoire de la République ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-83499
Date de la décision : 23/10/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHOSE JUGEE - Décisions susceptibles - Décision d'une juridiction étrangère - Faits commis en France - Autorité de la chose jugée (non)

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans l'espace - Infraction commise sur le territoire de la République - Condamnation prononcée à l'étranger - Nouvelles poursuites en France - Autorité de la chose jugée PEINES - Exécution - Infraction commise à l'étranger - Condamnation prononcée à l'étranger - Nouvelles poursuites en France - Nouvelle condamnation en France - Imputation de la durée de l'incarcération subie à l'étranger (oui)

En dehors des cas où un texte spécial en dispose autrement, et sous réserve de la déduction, lors de l'exécution de la peine, de la détention subie à l'étranger de la peine qui pourrait être ensuite prononcée par la juridiction nationale, les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n'ont pas, en France, l'autorité de la chose jugée, lorsqu'elles concernent des faits commis sur le territoire de la République


Références :

Sur le numéro 1 : convention franco-algérienne du 29 août 1964
Sur le numéro 2 : article 113-9 du code pénal

articles 6 et 692 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 05 avril 2013

Sur le n° 1 : Sur l'absence de renonciation au droit de poursuite de l'Etat ayant dénoncé des faits à un autre Etat, en vertu d'une Convention internationale, à rapprocher :Crim., 8 juin 2005, pourvoi n° 05-81800, Bull. crim. 2005, n° 174 (rejet). Sur le n° 2 : Sur l'absence d'autorité de chose jugée de la décision d'une juridiction étrangère lorsque les faits sont commis en France, à rapprocher :Crim., 26 septembre 2007, pourvoi n° 07-83829, Bull. crim. 2007, n° 224 (2) (rejet), et les arrêts cités. Pour un exemple d'application d'un texte spécial contraire, à rapprocher :Crim., 13 décembre 1983, pourquoi n° 82-92.638, Bull. crim. 1983, n° 340 (cassation). Sur la déduction de la détention subie à l'étranger pour l'exécution d'une peine, évolution par rapport à :Crim., 26 octobre 1993, pourvoi n° 93-83808, Bull. crim. 1993, n° 315 (rejet)

arrêt cité. A rapprocher de l'évolution récente en faveur de la prise en compte de la détention provisoire effectuée à l'étranger :Crim., 13 mars 2013, pourvoi n° 12-83024, Bull. crim. 2013, n° 64 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 oct. 2013, pourvoi n°13-83499, Bull. crim. criminel 2013, n° 201
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2013, n° 201

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Boccon-Gibod (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Laurent
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:13.83499
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